Je ne suis pas une spécialiste du biopic musical, mais s'il y a un truc que je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer, c'est la facilité avec laquelle on tombe dans le cliché, dans ce genre de film. Le genre est ultra codifié, et c'est pour ça que j'ai choisi le mot « impasse » pour mon titre. Grosso modo, si je me réduit au cliché originel du biopic musical tel que mon cerveau de loutre le dessinerai, voici le schéma d'un biopic musical :

1 → Un musicien/chanteur talentueux, mais peu connu, fait ses débuts dans la vie et la musique.

2 → Il rencontre un succès de plus en plus grand. Il fait des nouvelles expérimentations : une histoire d'amour, et de la drogue/alcool.

3 → L'addiction prend le dessus, sa vie s'éparpille.

4 → Il réussi à remonter la pente, épouse son âme sœur, et continue sa carrière en abandonnant les drogues.

OU 4 bis → Il se suicide, ou meurt d'overdose.

 

C'est ce qui me semblait être le schéma type de ce genre de film, d'une part parce que je n'en ai pas vu des masses non plus, et d'autre part parce que je me suis longtemps cantonnée à des films sur des chanteurs de rock ou de folk (qui ont, évidemment, la vie mouvementée et clichée qu'on leur connaît). Last Days n'y fait pas exception, puisque Kurt Cobain (le leader du groupe Nirvana, mort à 28 ans, et ayant inspiré Gus Van Sant pour son film...) a vécu la vie assez « classique » d'une star du rock, avec l'avantage scénaristique d'être mort à la fin (ne m'insultez pas, j'adore Nirvana, je ne fais que mettre en avant l'avidité des scénaristes américains pour des histoires sanglantes comme celle-là. Je pointe du doigt, ici, Oliver Stone et son méga merdique World Trade Center). Sauf que Last Days est loin d'être un film cliché, et à bien y réfléchir, la plupart des biopics musicaux que je connais ne le sont pas non plus. Alors pourquoi avoir écrit un tel titre ? me direz-vous. Et bien tout simplement parce qu'il est temps pour moi de me débarrasser de quelques clichés, et il n'y a rien de plus efficace pour moi que l'écriture.

 

 cliché

est devenu un cliché avec le temps

part de fiction très importantecontexte historique particuliercontexte social particulieresthétique du film recherché
I Saw the light             X           
Jersey BoysX     
La Môme X    
Le Pianiste   X  
Walk the line X    
Ma Vie avec Liberace    X 
I'm not there  X  X
Last Days     X
Control     X
Inside Llewyn Davis  X   
8 Mile XX X 
Amadeus   X  

 

Sur les douze films que je peux répertorier comme « biopic musical » (et que j'ai vu, bien sûr ; ça n'aurait aucun sens sinon), seulement deux sont des clichés ambulants. J'ai peut-être plus de sympathie pour Jersey Boys que I Saw the light, parce que le film de Clint Eastwood possède un très bon casting, s'autorise quelques astuces de mise en scène, et n'est pas désagréable à regarder. Mais il n'empêche qu'il souffre de clichés, et en 2014, c'est inacceptable.

Ensuite, il y a tous les films que je ne peux me résoudre à mettre dans la catégorie cliché, parce qu'ils ne l'étaient pas au moment de leur sortie (certains sont mêmes passés par les Oscars), même si aujourd'hui ils sont tellement connus (et populaires) qu'ils sont devenus des clichés, malgré eux. 8 Mile est devenu le cliché du film de rap, La Môme est un cliché du cinéma français à l'international, et Walk the Line... bon bah celui-là est à l'origine de mes propres clichés du genre.

 

Mais après ça, deux catégories se sont imposées dans les films qu'il restait : ceux qui rendaient compte, au delà de l'histoire vécue par le protagoniste principal, d'un contexte historique, social ou politique ; et ceux qui avaient l'avantage d'un metteur en scène original derrière la caméra. Dans la première catégorie, il y a Le Pianiste de Roman Polanski, qui traite moins de la carrière/vie du pianiste Wladyslaw Szpilman, que de la situation en Pologne pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il y a aussi Amadeus, bien que moins connoté historiquement dresse le portrait de Mozart dans le monde de la royauté en Europe (costumes à l'appui). Ma Vie avec Liberace est un peu particulier, et difficile à mettre dans une case, mais il me semble que le simple fait d'avoir choisi ce personnage comme protagoniste principal, place automatiquement son réalisateur (Steven Soderbergh) dans le cercle des films LGBT. Connoté socialement, donc. Et pour finir, il y a 8 Mile, qui place son histoire dans une ville pauvre des USA, plus proche de la « vraie » réalité des gens, que de celle du showman qu'est aujourd'hui Eminem (je simplifie à mort, j'en suis navrée, mais si je parle de ce film, j'en ai pour des heures).

 

Dans la seconde catégorie, celle des films dont la mise en scène est innovante, il y a la partie du visuel original, et la partie du scénario original. Parfois, les deux vont de paire, comme c'est le cas avec I'm not there (6 acteurs pour un seul rôle, passage au noir et blanc, couleur, 16 mm...) de Todd Haynes. D'autres cinéastes prennent le parti de la fiction basée sur des faits réels, comme c'est le cas de Last Days ou de Inside Llewyn Davis (inspiré de la vie de Dave Von Ronk). D'autres encore poussent l'esthétique de leur film dans des contrées originales, comme le Control de Anton Corbijn (entièrement en noir et blanc) ou le Last Days de Gus Van Sant (encore lui!). Dans ce dernier, disons que si on connaît le style de Van Sant, on n'est pas trop surpris. Sinon, il faut s'attendre à quelque chose de très lent, métaphorique et planant. Une illustration imagée de l'état d'esprit de Kurt Cobain quelques jours avant son suicide en 1994.

 

Après tout ça, je me rends compte (comme prévu) que le cliché dans lequel je m'étais confortée ne correspond pas à la réalité du paysage cinématographique. En réalité, beaucoup de cinéastes vont au delà du cliché, souvent pour parler de quelque chose de beaucoup plus personnel (Le Pianiste) ou d'illustrer une émotion (Last Days), un contexte (8 Mile), une histoire hors du commun (Amadeus), etc... Il y a autant de genres que de cinéastes, je devrais le savoir depuis le temps, non ?

 

Ce sont les vies des musiciens qui sont clichées. Pas les films. Les films sont donc meilleurs que la vie. (voici un sophisme à deux balles, fais-en ce que tu veux)

 

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