Réalisateur : Nikolaj Arcel

Sortie : 2017

Genre : fantastique, aventure

Nationalité : américain

Synopsis : Le dernier Pistolero, Roland Deschain, est condamné à livrer une éternelle bataille contre Walter O’Dim, alias l’Homme en noir, qu’il doit à tout prix empêcher de détruire la Tour sombre, clé de voûte de la cohésion de l’univers. Le destin de tous les mondes est en jeu, le bien et le mal vont s’affronter dans l’ultime combat, car Roland est le seul à pouvoir défendre la Tour contre l’Homme en noir…

 

 

Cher Stephen King,

Je pensais écrire une critique quelconque, aujourd'hui. Mais non, pas aujourd'hui. J'ai pas envie de tomber dans la routine, et puis j'ai quelques trucs à dire. Je suis allée voir La Tour Sombre de Nikolaj Arcel en début d'après-midi, et j'ai envie de t'écrire une lettre ouverte, en français, parce qu'évidemment je ne suis pas certaine d'avoir envie de te faire lire ça un jour. Mais bref, on s'égare.

Je pense que j'ai commencé à lire tes livres en 2013. La date est incertaine, mais elle correspond grosso modo au moment où je suis devenue une étudiante, et que j'ai quitté mon cocon familial pour me lancer dans la Vraie Vie. On a dû te dire ça des tas de fois, mais dès que je suis rentrée dans ton monde, j'ai senti qu'une porte s'ouvrait dans mon imagination. Tu as été ma bouée de secours, et je me suis raccrochée à toi pour ne pas tourner définitivement le dos à la lecture (entre temps, j'avais plongé tête baissée dans le cinéma, et lire ne me paraissait plus être une priorité). Aujourd'hui, je sais que tes livres sont une valeur sûre, ce celles qui ne me décevront jamais, parce que tu sais comment raconter des histoires, comment les rendre vivantes derrière les paupières de tes lecteurs. Le Mal n'a jamais aussi vivant que lorsque tu l'écris, et il n'a jamais été aussi fascinant à suivre.

Il paraît que ta plus grande œuvre, c'est celle de la Tour Sombre. Sept tomes, sans compter le dernier. Alors bien sûr, j'ai mis ça de côté dans mon cerveau, en attendant d'être prête à en découvrir l’immensité. Et puis le film allait enfin être adapté au cinéma, et par un réalisateur danois que j'affectionne parce qu'il avait dirigé A Royal Affair, un de mes films coup de cœur. Alors je me suis fait offrir le premier tome de ta saga, et... j'ai lu l'avant-propos. Je me suis rendue compte de deux choses : d'une, ce livre avait été remanié par tes soins (ce qui est plutôt une bonne nouvelle, même si je comprends que ça ne plaise pas aux fans de la première heure), et de deux, tu le considères toi-même comme le plus « difficile à lire », conseillant même aux nouveaux lecteurs de poursuivre vaillamment jusqu'au second tome, bien meilleur. Je me suis inquiétée, mais j'ai dit « okay, il était jeune, soyons tolérant ». Alors j'ai lu le premier tome, et j'ai compris pourquoi tu avais tenu à avertir les lecteurs qui découvraient la Tour Sombre pour la première fois : ce livre est imbuvable. Il est franchement hermétique, la plupart du temps je n'y comprenais rien, et rien ne m'a vraiment attiré dans cet univers. Je me suis même demandée si c'était vraiment toi qui l'avait écrit, c'est pour dire ! (en guise de comparaison, là où je trouve Ça bien trop fourni et inutilement long dans certains passages, je trouve le premier tome de la Tour Sombre dénué de forme ou de fond. Le Pistolero est l'opposé ultime de Ça. Pourtant ces deux romans sont intimement liés, et ça se sent plus qu'on ne peut le voir, moi qui n'ai lu que le premier livre)

Au cinéma, j'étais prête à tout : au meilleur comme au pire. Mais j'avais quand même bon espoir, parce que le monde de La Tour Sombre est très vaste, assez complexe, plutôt sombre (ah ah), et que j'ai toujours soutenu les adaptations de romans au cinéma (alors les tiens n'en parlons pas). Il y avait de la matière pour faire un bon film, un film épique. À présent que le souvenir de ce film est frais dans ma mémoire, je me rends compte que j'en attendais deux choses.

Petit un, me spoiler un peu les grands thèmes des livres, pour que l'aperçu que j'en ai me donne envie de lire la suite.

Petit deux, faire un film sombre et épique à la fois, un film à la hauteur de ton ambition sur cette saga.

Je me rends compte également qu'aucune de ces deux choses n'est arrivée. Ça signifie donc que je suis déçue, par rapport à mes attentes personnelles. Mais le film est-il mauvais pour autant ?

Et bien... oui et non. Mais surtout oui. Je suis désolée Monsieur King, mais il semblerait que le charmant réalisateur danois s'est fait coupé les mains par les studios, ou bien par une personne que je ne nommerais pas tellement je n'ai pas envie que ce soit la vérité (toi).

La Tour Sombre est un film quelconque.

Pas raté, pas génial, juste quelconque. Je me suis amusée à reconnaître quelques références à ton univers étendu, comme une photographie de l'Overlook, ou bien une mini Plymouth rouge semblable à Christine, et Pennywise inscrit dans le parc d'attraction abandonné... mais dans l'ensemble, ce film est aussi passable que, disons, le film avec Georges Clooney et un pin's (film dont je ne me rappelle plus le titre, et c'est très bien comme ça). La Tour Sombre est loin d'être épique, loin d'être sombre, on ne ressent pas les enjeux ni les personnages, et c'est filmé avec la froideur d'un blockbuster. Je ne comprends pas le choix d'avoir fait d'un petit garçon blanc le héro de l'histoire. Alors quoi, c'était trop risqué à Hollywood de mettre Idris Elba en première ligne ?! Le choix était très intéressant, voir même pertinent, mais pas du tout soutenu par la réalisation ni le scénario, qui se contentent de remplir un cahier des charges rempli au strict minimum. Donc oui, jusque là, le film s'avère être une déception.

Cependant, ce n'est pas un film raté, parce que la structure du scénario est lisible, que l'on comprend assez vite les enjeux (sauver le monde en sauvant son pilier : la Tour Sombre). Je comprends que par delà l'histoire ancestrale de la lutte entre le Bien et le Mal, il y a aussi un sous-texte sur la relation père/fils (relation qui passe totalement à la trappe dans le film d'ailleurs, mais bon : elle existe quand même). Et puis Tom Taylor a le regard d'un futur grand acteur, et malgré sa coiffure qui change de look toutes les trois minutes, il a réussi à rendre son personnage aussi crédible que possible, dans la limite d'une réalisation ultra basique. Finalement, La Tour Sombre pourra convenir à un public jeune, qui découvre l’œuvre de Stephen King au cinéma... et c'est tout. Parce que les fans seront déçus, ça c'est certain. Cette adaptation est une version aseptisée de ta vision, Stephen King. Tu décris la violence et l'horreur, et les studios se contentent de t'envoyer bouler en brandissant la pancarte du « tout public ». C'est décevant, mais ça ne vient pas de toi (du moins je l'espère).

En revanche, ce qui ne vient pas de toi est plus ou moins raté : je suis mécontente du plan d'ouverture, qui confond une vision floue de la Tour avec un poteau sur lequel sont installées des caméras de surveillance (des caméras de surveillance, sérieusement ?! Putain, mais où est le symbole là-dedans?!), ou bien lorsque Roland demande à Jack si on trouve des balles (de pistolet) facilement dans son monde, et où Jack lui répond qu'il va l'aimer, ce monde. Mais merde, quoi ! Je rappelle à ces putains de scénaristes de merde que : MONDE ETATS-UNIS D'AMERIQUE !! La grande majorité des états du monde ne légalisent pas la vente d'arme aussi facilement que les États-Unis, est-il besoin de le rappeler ?! Vous n'êtes pas le centre du MONDE, merde !

 

Cher Stephen King, tes livres sont géniaux, j'aime tes histoires et la manière que tu as de les raconter. Je continuerais à lire tes romans, même la suite de la Tour Sombre, malgré le fait qu'elle me fait encore plus peur maintenant. Je ne vais pas m'arrêter à ce film : il y a eu de très bonnes adaptations de tes romans, comme il y en a eu des moins bonnes, et je ne crois pas te l'apprendre. J'espère seulement qu'ils vont moins se rater pour l'adaptation de Ça, à la rentrée.

 

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