Avant de voir cette série, je me posais deux questions. La première concernait le support choisi par le réalisateur : j'ai de plus en plus l'impression que les réalisateurs de films sont des sprinters. Redoutables sur des formats courts de deux heures, ils tiennent rarement la distance sur une série d'épisodes. Mais il y a des créateurs de séries qui eux, sont des coureurs de fond (ceux de True Detective, par exemple, ou bien Sherlock, ou encore The OA, plus récemment). La question était donc de savoir si Paolo Sorrentino était du genre sprinter, ou plutôt du genre marathonien.

Ma deuxième question concernait le sujet de la série : la religion. Je n'ai pas vu énormément de films de Sorrentino, seulement Youth, et La Grande Bellezza. Mais dans ces deux films, son approche de la religion m'intriguait, parce que je ne la comprenais pas, parce que son point de vue est très ambiguë. Donc, évidemment, lorsque l'annonce de la sortie de The Young Pope m'est parvenue, je me suis réjouie d'avance de pouvoir éclaircir ce point intriguant.

 

La première chose à dire, c'est que j'ai adoré cette série, mas que j'ai eu du mal à la regarder, surtout vers la fin. En fait, pour cette série, j'ai agit différemment de ce que j'avais l'habitude de faire. Au lieu de regarder chaque épisode au fur et à mesure qu'ils sortaient, j'ai attendu qu'ils soient tous sortis pour pouvoir bingewatcher. Sauf qu'un seul épisode est épuisant à regarder, parce qu'il y a beaucoup d'informations visuelles, et aussi parce que je voulais rester concentrée. Or, à partir de trois épisodes à la suite, mon cerveau fondait par les oreilles. J'ai donc pris mon temps. Mais les derniers épisodes m'ont paru bien moins divertissants, bien plus dramatiques, et... bref, je préfère le début de la série.

 

Paolo Sorrentino joue avec les contrastes. Avec les nuances. J'ai finit par comprendre son point de vue sur la religion. Car ce n'est pas le simple « la religion c'est mal » ou « la religion c'est bien » qui m'aurait tant simplifié la vie (c'est ironique). D'un côté, Sorrentino s'amuse de ses personnages guindés avec une ironie mordante, et parfois même un peu burlesque. Il tourne en ridicule (avec un œil bienveillant, je trouve que c'est important de le préciser) les manières archaïques de l’Église, les prêtres, les archevêques, les nones, etc... peut-être pour éviter au spectateur de les prendre trop au sérieux. Mais à vrai dire, il y a le personnage joué par Javier Cámara, qui nuance cet humour : il est le prêtre attachant qui se contente de son petit monde car celui à l'extérieur des murs du Vatican lui fait peur. Et ça, je peux comprendre. De plus, le Pape lui-même (Jude Law) est un personnage extrême, certes tourné en ridicule au même plan que les autres, mais également présenté comme un tyran, un dictateur, obsédé par le contrôle de l'information, et parfois paranoïaque et effrayant dans sa manière d'envisager le pouvoir. Du coup, il y a deux poids deux mesures dans cette série : Sorrentino critique le pouvoir de l’Église avec une ironie mordante, sous couvert d'une réalisation tape-à-l’œil (dans le bon sens du terme).

 

Cela dit, je ne pense pas que la critique soit adressée à l’Église en particulier. Je pense que c'est plus global (ou que l'idée peut être appliquée plus globalement, dans les deux cas ça revient au même). Ça peut s'adresser non seulement aux gens de pouvoir, mais aussi à l'influence néfaste que ça a sur les gens qui mettent tous leurs espoirs en une seule personne. Donc, par extension, je pense que The Young Pope est une série qui parle de politique. Dans le contexte politique du monde d'aujourd'hui (radicalisme de droite, Brexit et Trump...), il est évident que cette série se pose les bonnes questions sur les peurs du monde contemporain.

 

Il y a beaucoup de choses qui m'ont plu dans cette série. À commencer par le générique. Ce serait dur de décrire l'effet qu'il a produit sur moi. Une sorte... d'euphorie, mélangée à une angoisse grimpante. J'ai mis un temps fou avant de mettre le doigt sur la musique (merci Shazam) que je savais connaître. Il s'agit de « Watchtower » par Devlin, un rappeur qui a repris le riff de guitare de Jimi Hendrix sur « All Along the Watchtower »... lui-même ayant repris la chanson de Bob Dylan. Putain, je n'en reviens pas de ne pas l'avoir reconnu !

Et puis il y a les tableaux, les néons, le travelling latéral, le clin d’œil de Jude Law, et... la dernière image. Je crois que c'est cette image qui m'a achevé, parce qu'il s'agit d'une sculpture d'un artiste contemporain (Maurizio Cattelan) représentant le Pape Jean-Paul II, écrasé par une météorite (« La Nona Ora »). Je trouve cette œuvre drôle et intelligente, et par dessus tout, je la trouve particulièrement adaptée au propos de la série de Sorrentino.

 

Du coup, cela m'amène tout naturellement à parler des nombreuses références artistiques de cette série. Il y a les tableaux connus et qui ont un lien avec la religion chrétienne, bien entendu, ainsi que la Vénus de Willendorf (qui n'est pas conservée au Vatican, contrairement à ce qui est montré dans la série), et certainement plein d'autres symboles dans la mise en scène (notamment la Pieta dans la scène où le Pape s'évanouit dans les bras d'Esther). Mais ce n'est pas ce qui m'a le plus marqué. En fait, ce sont beaucoup de références musicales diversifiées, cinématographiques et artistiques, bref, culturelles, qui bourrent la série, parfois à l'excès, mais toujours bien amenées. La référence aux Daft Punk, à Stanley Kubrick ou à Banksy, est amenée pour appuyer l'idée d'un symbole sans visage, par exemple. Mais c'est aussi pour appuyer le contraste entre une religion très ancienne et le contexte moderne, ce qui est souvent perturbant, décalé, absurde... drôle.

 

Concernant les performances d'acteurs, je n'ai pas grand chose à dire : The Young Pope, bien que possédant un casting incroyable, n'est pas une série à performance. À part peut-être celle de Jude Law, mais si on le connaît un peu, on n'est pas réellement surpris de le voir briller autant dans ce rôle. Non, moi ce qui m'a enchanté, c'est la diversité de nationalité de ce casting : Jude Law est britannique, Diane Keaton est américaine, Silvio Orlando est italien, Javier Cámara est espagnol, Cécile de France est belge, Ludivine Sagnier est française, etc... et tout ce monde coexiste avec fluidité, je trouve ça génial.

 

Au niveau de la réalisation, je n'ai pas non plus grand chose à dire, si ce n'est le fait que j'adore toujours autant (si ce n'est encore plus) la mise en scène de Sorrentino. J'ai aimé ses travellings et ses nombreuses contre-plongées (et son kangourou, aussi), qui soulignent en permanence la pouvoir du Pape.

 

Cependant, comme je l'ai dit au début de cette critique, la fin de la série m'a posé plus de soucis. Pour commencer, on sent de plus en plus l'ambiance de huis clos au sein du Vatican, malgré les quelques déplacements extérieurs. On sens de plus en plus l'enfermement, et c'est pas spécialement très agréable. Ensuite, le ton change assez sensiblement : de comique, on passe progressivement au dramatique, en approchant notamment le problème de pédophilie au sein de l’Église. Inconsciemment, j'ai pensé au film Spotlight. Je n'aurais certainement pas dû faire ça, parce que je me suis surprise à penser que The Young Pope omettait beaucoup de détails... mais stylistiquement parlant, il n'y a pas photo : The Young Pope est définitivement plus intéressant.

 

J'ai vu qu'une seconde saison était prévue. Je n'ai aucune idée de si je vais la suivre ou pas. À mon avis, ça dépend entièrement de Sorrentino. S'il quitte le projet, c'est mort. S'il continue, j'espère qu'il a en lui l'énergie d'un marathonien.

Pour conclure, je suis quasi certaine que regarder The Young Pope n'est pas une perte de temps. Je sais, je pourrais être plus enthousiaste. Bon, à vrai dire, cette série est l'une des plus importante de l'année 2016. Il faut la regarder de toute urgence. Ainsi que bien d'autres également, mais celle-ci est importante. Il faut la voir.

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